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April 30, 2021

Seaspiracy: Une pêche durable existe

Charles Redfern est le fondateur de Fish4everconserves de poisson issu de la pêche responsable. Depuis plus de 20 ans, Fish4ever applique les valeurs de la bio à la pêche durable.  

« Sans surprise, le nouveau documentaire Netflix Seaspiracy , sur la pêche industrielle a pour but de choquer.  
Et incontestablement, les statistiques sont choquantes :  

Aujourd’hui, environ 2.7 milles milliards de poissons sont pêchés chaque année, jusqu’à 5 millions sont tués toutes les minutes par les flottes industrielles. Les filets des plus gros chalutiers pourraient engloutir des cathédrales entières et détruire 3.9 milliards d’hectares de fonds marins tous les ans. Pêcher de cette façon engendre énormément de prises accessoires : 11 000-30 000 requins seulement sont tués toutes les heures. La main d’œuvre ne coute pas cher, l’esclavage moderne est endémique et presque 24 000 travailleurs meurent – ou sont tués – chaque année.  

Et ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg. Seaspiracy est un film d’horreur qui se termine avec un bain de sang disproportionné dans les Iles Féroé, telle une bataille de Vikings. Mais nous y reviendrons.  

Malheureusement, rien de nouveau : en effet le film de Charles Clover the End of the line, sorti en 2009, exposait déjà la plupart de ces problèmes. Le massacre des dauphins au Japon avait déjà été mis en lumière en 2009 dans The Cove. Les scènes sur la pêche illégale et l’esclavage dans la pêche aux crevettes en Thailande et la pêche artisanale sur la côte Africaine, sont le fruit des recherches de l’Environmental Justice Foundation (EJF) – La fondation pour une justice environnementale.  
Pourquoi continuons-nous à autoriser ces pratiques ? La réalité, comme le documentaire l’indique, est que l’industrie bénéficie de généreuses subventions, jusqu’à 35 milliards de dollars, de la part des gouvernements et les labels prétendument « responsables » ne valent rien. 

Seaspiracy: Le bon  

Fish4ever est en accord avec Seaspiracy sur plusieurs points.  
Le film critique vigoureusement le logo dolphin friendly : conscients déjà à l’époque qu’il s’agissait d’une imposture, le logo a disparu de nos conserves il y a 20 ans. Cette prise de position n’a pas été sans conséquence: « pourquoi vous n’êtes pas dolphin friendly ?! », nombreux sont les consommateurs qui ont dû choisir une autre marque.   

Nous étions l’une des premières marques de conserves de poisson à adhérer au Marine Stewardship Council (MSC), le logo bleu soutenu par les grandes enseignes et les marques partout dans le monde. Par la suite, nous sommes sans doute devenus la seule marque à quitter le système lorsqu’il est devenu clair « qu’ils ne cherchent pas à régler le problème, ils cherchent à exploiter le problème » comme il est dit dans le film.  

Nous avons passé de nombreuses années à nous battre contre ce que le MSC représente et que nous considérons être de la fausse information et du greenwashing. J’ai même été expert témoin auprès Parlement britannique pour une investigation contre le MSC. 

Environ 80% du revenu du MSC, qui s’élève à 30 millions de livres, provient des marques certifiées. Une fois de plus, respecter nos principes nous défavorise car on continue de répéter aux consommateurs qu’il s’agit du logo de référence.  

L’industrie du thon est très présente dans le film. Nous sommes des experts.  

Seaspiracy: Le parti pris 

Au vu de notre expérience et de nos travaux de recherche, je pense que nous aurions pu être invités à donner notre point de vu ou à filmer « le revers de l’histoire » en présentant les petites pêcheries avec lesquelles Fish4ever travaille.  

Cependant, le documentaire continue en force et termine avec le massacre des baleines et le film s’attarde sans raison sur ces scène horribles. 

Il devient alors évident que le but du film est de soutenir qu’une pêche durable n’existe pas ; toute pêche est mauvaise et il ne fait aucune distinction.  

Mon problème avec Seaspiracy est le manque de transparence sur son origine. Ce n’est pas un documentaire sur tous les aspects de la pêche laissant aux spectateurs la liberté de forger lors propre opinion. C’est un film végan, produit par des activistes végans et financé par Dale Vince, un multimillionnaire végan.  

Seaspiracy conclut de manière douteuse en mettant en avant des produits alternatifs. L’entreprise fabrique ces produits probablement à partir de soja génétiquement modifié et une liste interminable d’additifs, d’arômes artificiels et d’ingrédients de remplissage.  

Seaspiracy: Ce que l’on ne vous dit pas 

Si je voulais faire un documentaire contre les alternatives véganes, Seaspiracy serait mon point de départ. J’analyserais un à un les ingrédients de ces produits industriels. Ma caméra montrerait un vaste champ de graine de soja ou maïs – sans insectes, sans oiseaux, aucun travailleur dans les champs, le tout contrôlé par des entreprises monolithiques.  
Je pourrais m’attarder sur les travailleurs de l’ombre d’Amérique Latine et exploités en Californie du sud – illégaux, sans papiers et abusifs. Cela m’amènerait en Inde où le taux de suicide des petits fermiers endettés est une histoire bien trop connue. En Afrique, nous pourrions montrer comment les sociétés s’approprient vastes étendues de terre telle une nouvelle forme de colonialisme pour des cultures (véganes) destinées à l’export.  

Ensuite, je pourrais aller aux sièges des géants tels que Monsanto ou Syngenta ou des producteurs de céréales plein de fructose, et eux aussi, refuseraient une interview en poussant ma caméra. Je pourrais montrer un système fait de subventions gouvernementales, de prétendues affirmations « durables » et de réseaux où pouvoir et contrôle règnent.  

Mais il ne s’agirait que d’une partie de l’histoire et ignorerait les bénéfices indéniables d’un régime de plus en plus végétarien.  

L’industrie agroalimentaire est un secteur compliqué, fait de conflits éthiques et j’aurais aimé que Seaspiracy apporte quelques nuances au débat.  

Une fin alternative : Une pêche durable authentique 

Je sais qu’il existe une autre solution que celle de Seaspiracy de “ne mangez pas de poisson” et c’est de manger du poisson bien pêché.  
Il est plus difficile à trouver. Il impose beaucoup plus de travail au consommateur en lui demandant d’arrêter de croire aux bêtises de l’industrie qui se dit responsable.  

Je sais que cette solution existe car j’ai passé les 20 dernières années à le prouver à travers notre marque Fish4ever bien que la chance n’ait pas toujours été de notre côté. Nous travaillons avec des petites marges car nous valorisons le prix véritable. Nous pouvons alors être certains que notre poisson arrive dans vos assiettes :  

  • Sans prises accessoires 
  • Sans impact sur les fonds marins  
  • Sans pêcher ni impacter les espèces en voie de disparition : dauphins, baleines, requins – nous ne les touchons pas 
  • Sans pêche illégale  
  • Sans esclavage, sans violation des droits de l’homme : nous soutenons les bateaux locaux et les communautés de pêcheurs  
  • Sans ingrédients bizarres ou chimiques – mais beaucoup d’ingrédients bio ! 

J’ai besoin des consommateurs verts. C’est déjà assez difficile pour le pêcheur local sur son petit bateau de bien gagner sa vie. Si les consommateurs éthiques laissent tomber, il ne reste plus que les consommateurs moins attentifs. Eux continueront d’acheter les conserves de thon prétendument « dolphin friendly » et nos produits disparaitront.  

Au final, notre petite entreprise n’est pas vraiment importante. Mais ce pour quoi elle se bat et les pêcheurs à petite échelle qu’elle soutient, eux, comptent énormément. » 

 Charles Redfern fondateur de Fish4ever. 

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